Une interview de PIERRE BARBET en 1974...


Entrevue avec

PIERRE BARBET

(1925-1995)

Réalisée par DIDIER REBOUSSIN

(Publiée originellement dans le #2 du fanzine NADIR, en 1974)


(Pierre Barbet en 1976 au festival de SF de Metz, photo Charles Moreau)


Commençons donc par une question classique : Pierre Barbet : comment êtes-vous venu à la SF ?

Je suis venu à la SF en lisant des bandes dessinées comme Guy l’Eclair, Eclyde Junior ( ?) et aussi grâce à Jules Verne bien entendu, puis à E.R. Burroughs, et il doit y avoir des tas d’autres auteurs américains à l’origine de ma carrière. Mais ce qui importe à mon avis, ce n’est pas vraiment de faire quelque chose de semblable. J’ai présenté mon premier manuscrit chez Gallimard, ça a marché, et ensuite j’ai continué.

C’est Michel Pilotin qui vous a lancé au Rayon Fantastique ?

Oui, c’est Pilotin, alias Stephen Spriel qui m’a lancé et a accepté mes manuscrits. C’était un garçon d’une grande valeur, d’une très grande culture, que je regrette profondément. A l’époque j’avais écris les deux romans publiés (Vers un avenir perdu et Babel 3805) et trois autres avaient été retenus par Spriel : L’agonie de la Voie Lactée, les Conquistadors d’Andromède et Azraëc de Virgo. Tous trois repris par le Fleuve Noir et publiés intégralement comme je les avais proposés à Gallimard (1).

Combien écrivez-vous de romans par an ?

En moyenne, suivant le temps libre dont je dispose, environ trois par an.

Vous ne vivez donc pas de votre plume ?

Je suis en réalité docteur en pharmacie et j’écris durant mes heures de loisirs. Enfin c’est plutôt un plaisir mais qui me prend quand même pas mal de temps. Heureusement on est bien récompensé quand les livres paraissent et que les lecteurs s’y intéressent.

Vous intéressez-vous à la SF française et à la SF en général ?

La SF en général me passionne bien sûr ! La meilleure preuve en est que je me suis rendu au congrès de SF de Los Angeles il y a deux ans, et l’année dernière au congrès mondial à Toronto. Et là, j’ai pu rencontrer des fans américains. J’espère que les fans français auront bientôt les moyens de faire des conventions et les possibilités d’en faire de ce genre là, car il est vraiment très intéressant de rencontrer des gens qui lisent vos livres et vous en donnent des commentaires.

Que pensez-vous du fandom français ?

A l’heure actuelle vous avez le fandom américain qui est de très grand intérêt et qui n’a pas de contact avec le fandom français, étant donné que les réunions des fans français se font très rarement, alors qu’aux Etats-Unis c’est monnaie courante. Je pense qu’il manque au fandom français un organe. Moi, personnellement, je suis tout à fait d’accord pour cela. Au début, Horizons du Fantastique, c’était presque la voix du fandom français, mais maintenant qu’il est parvenu à l’âge adulte, c’est un magazine publié régulièrement.

Et il y a un abîme entre magazine et fanzine…

C’est celui qu’on rencontre dans toutes les professions, entre le professionnel et l’amateur. Le fanzine est considéré comme l’amateur et les autres comme des professionnels… Alors évidemment il y a un certain paternalisme, mais il ne faut tout de même pas oublier que ce qui distingue un magazine d’un fanzine, ce sont les moyens financiers et qu’un fanzine est quand même une source inépuisable de commentaires sur les livres, et qu’il est toujours très intéressant d’avoir des commentaires sur les romans de la part des lecteurs, et surtout de ceux qui s’y intéressent au premier plan.

(Le premier roman de Pierre Barbet, «Le Rayon Fantastique» #98, 1962)

Que pensez-vous de la new wave ?

Je crois qu’il s’est créé une espèce de confusion, sinon de tromperie, faite par certains magazines français. Moi je suis allé à Toronto et j’ai parlé de la new wave. On m’a dit : «qu’est-ce que la new wave ?» Il n’y a pas de «wave», il n’y a pas de «new». Il y a quelques personnes qui, dans les universités, ont fait des écrits un peu ésotériques en tarabiscotant le langage, mais ça n’a pas duré. Les éditeurs en ont sortis quelques-uns et, maintenant, il n’y en a plus. Ce que je sais d’après le congrès de Toronto, c’est que c’est tout de même une forme classique. Avec John Brunner au Canada, pour faire une émission sur la SF, on est tout à fait tombés d’accord pour admettre qu’il fallait évidemment étendre la SF à la sociologie, à l’écologie, à la psychologie, enfin, à tout le domaine des sciences, et qu’il ne fallait pas du tout abandonner l’élément scientifique de la SF à l’exception bien entendu de «l’heroic-fantasy», car celle-ci y joue un rôle négligeable.

Et Philip K. Dick, et Norman Spinrad ? Ils sont pourtant très originaux et n’appartiennent pas aux courants ordinaires de la SF ?…

Dick n’est pas considéré aux USA comme vraiment «new new wave». C’est maintenant un auteur classique, publié en «pocket-book» de façon suivie. Spinrad, évidemment, est considéré comme new wave bien qu’il n’y ait pas tellement de nouveautés en lui. Mais, en fait, lorsqu’on voit les distinctions des «Hugos» de cette année, vous pouvez constater que ces distinctions données par des fans américains ont récompensé des livres ultra classiques, parce que Ursula Le Guin l’est, entre autre, et qu’il y a relativement peu de nouveaux, bien qu’Isaac Asimov ait eu le prix non pas pour son bouquin actuel, The gods themselves, mais pour l’œuvre faite auparavant. Aux USA les fans votent d’une façon réelle, ce n’est pas évident, mais il y a cinq livres qui sont sélectionnés par les fans, avec des prix vraiment donnés par les fans, non par les éditeurs, et personne ne connaît les résultats d’avance.

Changeons un peu d’époque et de lieu. Pour vous Pierre Barbet, contemporain de la revue Satellite, sa chute a-t-elle eu des répercussions sur vous ?

Satellite était une revue très sympathique qui me semblait avoir un peu l’orientation d’HDF ; elle publiait régulièrement des romans dans une série parallèle, dans des traductions pas toujours très bonnes, et je regrette bien sûr sa disparition. Je regrette d’ailleurs toute disparition de revue ou de collection de SF en France car c’est ça de moins à lire…

Il semble qu’au fil de vos romans vous introduisiez l’heroic-fantasy au Fleuve Noir ?

Oui, le problème de l’historical-fiction et de l’heroic-fantasy au Fleuve Noir a suscité quelques remous et j’ai des difficultés lorsque, par exemple, je vais écrire la suite de L’empire du Baphomet. Mais, en principe, on ne m’a jamais refusé un manuscrit au FN et j’espère que cela continuera, car j’aime faire de l’heroic-fantasy et de l’historical fiction. En fait, c’est ce qui semble plaire actuellement le plus aux USA, puisque mes trois romans traduits en américain sont de ce genre-là : La planète enchantée, À quoi rêvent les psyborgs et L’Empire du Baphomet.

(FNA #350, 1968)

Et Evolution magnétique qui est sans doute l’une de vos plus belles réussites, dans quel genre le rangez-vous ?

Évolution magnétique, c’est un autre genre que j’aime beaucoup. C’est au départ un élément scientifique que l’on extrapole, qu’on développe d’une manière logique jusqu’aux conséquences uniques qu’il peut avoir dans le récit. J’ai écris récemment Les bioniques d’Atria dans la même veine, et je vois que cela peut être intéressant parce que cela donne l’impact nécessaire à une intrigue mouvementée.

On vous a reproché parfois vos goûts « sanglants » dans certains de vos romans…

Des goûts sanglants ? Hé bien ma foi, il est difficile d’écrire L'Empire du Baphomet sans batailles. On n’a jamais vu des Croisés se bagarrer avec du chewing-gum. C’était la loi du plus fort, avec l’arbalète, le dragonneau, ça ne pardonnait pas et…

Et on se bat beaucoup dans ce roman…

Je le déplore, mais c’est une partie du manuscrit à considérer. Actuellement, je pense qu’il faut montrer les maux de l’humanité. Par exemple : la pollution est un mal ! La guerre est un mal ! Le racisme en est un autre ! Il faut le montrer, c'est-à-dire qu’il faudrait faire disparaître tous ces concepts. Alors, dans La planète empoisonnée par exemple, je décris un monde pollué, et il serait temps que l’on prenne conscience que ceci s’applique à une certaine planète empoisonnée : la Terre.

Merci Pierre Barbet.

(C) Didier Reboussin 2009

Note (1) : En réalité, Pierre Barbet a du attendre pour faire publier au Fleuve Noir et dans des versions recalibrées pour «Anticipation» ces trois romans prévus à l'origine pour «Le Rayon Fantastique» qui acceptait des livres plus longs... RDN

DOMINIQUE ROCHER : interview et bibliographie


ARTICLE BIENTÔT TRANSFÉRÉ ICI SUITE

À LA FERMETURE DU SUPPORT DE SITES GEOCITIES DE YAHOO.
MERCI D'AVANCE POUR VOTRE COMPRÉHENSION

RDN



DOMINIQUE ROCHER
(Salon de l'Imaginaire de Sèvres, 12 décembre 2009, photo RDN)

«COMMANDO 44» de PIET LEGAY adapté au cinéma en 1968

ARTICLE BIENTÔT TRANSFÉRÉ ICI SUITE
À LA FERMETURE DU SUPPORT DE SITES GEOCITIES DE YAHOO.
MERCI D'AVANCE POUR VOTRE COMPRÉHENSION

RDN



(Jaquette VHS Universal Video Productions, s.d., signée par Piet Legay, doc. RDN)



Le FLEUVE NOIR «Anticipation» et «Angoisse» en GRÈCE (1)


ARTICLE BIENTÔT TRANSFÉRÉ ICI SUITE
À LA FERMETURE DU SUPPORT DE SITES GEOCITIES DE YAHOO.
MERCI D'AVANCE POUR VOTRE COMPRÉHENSION

RDN

Le FLEUVE NOIR «Anticipation» et «Angoisse» en GRÈCE (2)


ARTICLE BIENTÔT TRANSFÉRÉ ICI SUITE

À LA FERMETURE DU SUPPORT DE SITES GEOCITIES DE YAHOO.
MERCI D'AVANCE POUR VOTRE COMPRÉHENSION

RDN